Introduction :
Ce travail émerge d’un questionnement récurrent depuis quelques années concernant l’enseignement et la formation à l’analyse d’activité en ergothérapie. Cette difficulté est perçue dans bon nombre d’instituts de formation en ergothérapie en France mais aussi à travers l’Europe. Les enseignants sont actuellement en difficulté pour définir précisément ce qui doit être enseigné dans le champ de l’analyse d’activité.
Traditionnellement, l’enseignement était constitué de cours magistraux et de mises en situation pratiques dédiées à l’observation. L’enseignement de l’analyse d’activité était fondée sur l’ergonomie, les connaissances anatomiques et biomécaniques et sur la psychologie. Le développement des connaissances liées à la cognition a forcément eu un impact sur cet enseignement mais la prise en compte des capacités cognitives n’est pas très aisée. De plus, une analyse précise des activités devient vite peu fiable sans l’aide d’outils d’observation (vidéo, IRM…) et reste fluctuante selon les sujets en activité. L’ampleur des connaissances et savoirs nécessaires pour l’analyse de l’activité thérapeutique rend son enseignement impossible.
Une compréhension de l’évolution du paradigme de l’ergothérapie peut nous aider à comprendre l’état actuel d’incertitude dans lequel se trouvent les formateurs en ergothérapie.
L’ergothérapie est une profession qui s’intéresse tout particulièrement aux liens entre l’activité et la santé. Cet intérêt a évolué au cours de l’histoire : Rabow (cité par Duncan, 2006) décrit une évolution du paradigme de l’ergothérapie en 3 étapes :
la 1ère étape au début du XXème siècle, fondée sur l’activité et l’amélioration du fonctionnement de la personne par la mise en activité,
la 2ème étape au milieu du XXème siècle, en lien avec les progrès des connaissances biomédicales, centrée sur le fonctionnement des systèmes intra-psychique, nerveux et musculo-squelettique de l’individu, entraînant de fait un certain réductionnisme centré sur la pathologie.
La 3ème étape à la fin du XXème siècle, mettant en évidence la complexité des situations et cherchant à prendre en compte l’environnement de la personne dans une perspective plus systémique.
Les modèles conceptuels en ergothérapie sont liés à cette évolution.
Nous pouvons illustrer ce changement de paradigme à travers l’évolution de la classification de l’OMS. En 1980, l’OMS a publié la Classification Internationale des déficiences, incapacités et Handicaps (CIH) d’après les travaux de Philip Wood : les maladies et traumatismes (problèmes de santé) vont occasionner des DEFICIENCES qui entraînent des INCAPACITES et vont avoir pour conséquence un DESAVANTAGE SOCIAL ou handicap.
La linéarité de ce schéma indique bien que l’on doit d’abord œuvrer à réduire la déficience ou le symptôme en psychiatrie avant de chercher à réduire les incapacités dans l’objectif de limiter les situations de handicap ou désavantage social. Or, on s’est aperçu que la réduction des symptômes ne suffisait pas pour réintégrer la personne dans la société.
A la fin des années 90, de nombreux experts ont travaillé sur une modification de ce modèle. Les Québécois ont publié le modèle du Processus de Production du Handicap (PPH), publié en 1998 par P. Fougeyrollas et son équipe, qui prend en compte la complexité de la situation. C’est un modèle intéressant pour les ergothérapeutes et de ce fait il a servi de fondement au dossier du patient en ergothérapie publié en 2002 par l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES). Le handicap apparaît à l’interaction entre les facteurs personnels (dont la pathologie), les facteurs environnementaux (dont l’environnement social) et les habitudes de vie ou activités nécessaires pour la personne. L’évaluation se fait dans ces trois champs. Le travail de l’ergothérapeute se situe dans l’interaction entre ces facteurs, correspondant bien au 3è paradigme de l’ergothérapie.
L’OMS a publié en 2001 la CIF (Classification Internationale du Fonctionnement) qui cherche à intégrer deux modèles contradictoires : le modèle médical (le handicap est un attribut de la personne) et le modèle social (le handicap est un problème créé par la société). Les termes se veulent positifs (fonctionnement, activité, participation…) et ce modèle prend en compte l’environnement dans un schéma beaucoup plus complexe que celui de la CIH.
L’analyse d’activité se trouve au centre des actions thérapeutiques de l’ergothérapeute. En fonction de ce changement de paradigme, nous sommes confrontés aux questions suivantes :
Quels sont les savoirs et les connaissances indispensables ?
Quelles sont les compétences à développer ?
Quelle continuité existe –t-il entre l’analyse d’activité et l’analyse de pratique ?
Quelle place peut prendre la problématisation et en particulier la construction du problème dans la formation à l’analyse d’activité en ergothérapie comme cela se fait en analyse de pratique ?